Pourquoi Ils Viennent : Migration, Histoire et la Boussole Morale de l’Europe
- fuedu0
- Apr 8
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Avec la montée des sentiments anti-migrants et des mouvements politiques qui y sont liés en Europe et en Amérique, une question revient souvent, mais reste rarement approfondie : « Pourquoi les migrants viennent-ils en Europe, en particulier en Europe de l’Ouest ? »
Mémoire historique : exploitation et influence
L’histoire de l’Europe est indissociable du colonialisme et de l’exploitation. Pendant des siècles, les pays européens ont accru leur richesse grâce à l’exploitation systématique d’autres continents. Prenons l’exemple de la colonisation du Congo par la Belgique. Le roi Léopold II a traité ce pays pendant des décennies comme sa propriété privée, avec le travail forcé comme norme. L’exploitation du caoutchouc et de l’ivoire a conduit à la mort de millions de Congolais et a laissé un héritage de pauvreté et d’instabilité politique.
Les conséquences de ce passé sont encore palpables aujourd’hui. De nombreux pays en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie ne se sont jamais complètement remis de la domination coloniale. Cela est dû non seulement à l’exploitation économique, mais aussi à l’ingérence politique. Les frontières artificielles tracées par les puissances européennes après la décolonisation ont souvent provoqué des divisions et des conflits, qui continuent de fragiliser la stabilité de ces régions.
Pendant ce temps, l’Occident continue d’en tirer profit. Là où autrefois le caoutchouc et l’ivoire étaient exploités, l’attention se porte désormais sur les technologies modernes. Prenons la demande en cobalt, essentiel pour les voitures électriques. Le Congo, qui fournit plus de 60 % des réserves mondiales, en paie une fois de plus le prix. Les mineurs – souvent des enfants – travaillent dans des conditions déplorables, tandis que les pays occidentaux se présentent comme des leaders de « l’énergie verte ».
L’extraction de pétrole est un autre exemple criant. Dans le delta du Niger, des entreprises européennes et américaines ont causé d’énormes dégâts environnementaux, tandis que les communautés locales ne profitent que très peu de leurs propres ressources. Cette inégalité structurelle montre comment l’héritage du colonialisme façonne encore le monde d’aujourd’hui.
Je connais des personnes qui refusent de regarder ce passé en face et reprochent à ces pays leur corruption, leur mauvaise gouvernance, ou – comme quelqu’un l’a déjà dit – qu’« ils sont paresseux et veulent seulement profiter de notre prospérité ». Mais une personne qui endure une misère extrême et qui est prête à tout risquer, quelles qu’en soient les conséquences, ne peut être qualifiée de paresseuse.
Nous oublions souvent que l’Europe a profité pendant des siècles des richesses et de la main-d’œuvre d’autres régions du monde – et qu’elle le fait encore, d’une certaine manière. Reconnaître ces vérités inconfortables est une étape nécessaire pour faire justice au passé comme au présent.
La migration est un rappel de notre histoire commune et de la responsabilité qui en découle. C’est un appel lancé à l’Europe pour qu’elle réoriente sa boussole morale et s’engage réellement en faveur de la justice – non seulement par des mots, mais aussi par des actes
L’instabilité politique, économique et écologique dans de nombreux pays du Sud est le résultat de ces schémas historiques. Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses personnes issues de ces régions se dirigent vers l’Europe, à la recherche de sécurité et de meilleures opportunités. La migration n’est pas un phénomène isolé ; elle est enracinée dans un ordre mondial façonné par l’Occident lui-même.
Pour un Africain francophone, qui a souvent été contraint d’apprendre le français en raison des héritages coloniaux, il est plus logique de migrer vers la France ou la Belgique que vers un pays comme la Corée du Sud. Dans le même temps, la France et la Belgique font partie de l’Occident et de l’Union européenne, ce qui permet aux migrants arrivant dans ces pays de voyager ensuite vers d’autres parties de l’Europe. Ces mouvements soulignent les dynamiques complexes et systémiques qui façonnent la migration dans le monde actuel.
La double morale de la démocratie et de la liberté
Un autre aspect important concerne l’attitude contradictoire de l’Europe envers ses propres valeurs. La démocratie, la liberté et l’égalité sont souvent présentées comme des piliers de l’identité européenne. Mais dans quelle mesure ces idéaux sont-ils réellement respectés ?
L’Europe, par exemple, commerce volontiers avec des pays comme l’Arabie Saoudite, malgré des violations flagrantes des droits humains. Les intérêts économiques priment souvent sur les principes moraux. Parallèlement, des normes strictes sont imposées aux migrants et aux autres pays, révélant une double morale.
Cela vaut également pour la manière dont l’Europe traite les réfugiés. Les conditions dans des camps comme celui de Moria en Grèce sont inhumaines. Alors que l’Europe se présente comme un phare de la liberté, les personnes à ses frontières extérieures subissent des politiques contraires aux valeurs qu’elle prétend défendre. Si l’Europe veut vraiment incarner l’égalité et la liberté, elle doit appliquer ces valeurs de manière cohérente – y compris à l’intérieur de ses frontières.
Une responsabilité morale
Pourquoi les migrants viennent-ils en Europe ? La réponse réside dans notre histoire commune. La richesse économique et la stabilité politique de l’Occident se sont en partie construites sur l’exploitation d’autres régions. La migration n’est pas un problème isolé, mais le reflet de cette interdépendance.
L’Europe a la responsabilité de regarder son passé en face et d’en reconnaître les conséquences. Elle doit aussi faire preuve de cohérence dans le respect de ses propres valeurs. La liberté, l’égalité et la justice ne doivent pas être de simples mots. Cela exige que les nouveaux arrivants aient les mêmes droits et opportunités que tous les autres, et qu’ils ne soient pas désignés comme boucs émissaires par des machines de propagande populiste pour des problèmes qui relèvent bien souvent d’une mauvaise gouvernance et de politiques injustes.
Ce n’est qu’ainsi que l’Europe pourra rester fidèle aux idéaux qu’elle proclame.
La migration est un rappel de notre histoire commune et de la responsabilité qui en découle. C’est un appel lancé à l’Europe pour qu’elle réoriente sa boussole morale et s’engage réellement en faveur de la justice – non seulement par des mots, mais aussi par des actes. Ce n’est qu’à cette condition que l’Europe pourra véritablement honorer les valeurs qu’elle prétend incarner.